20. Fleurs
Sous l’impulsion de son amie et mécène Mariette Rousseau, Ensor crée aussi des natures mortes florales. Mariette lui envoie parfois un bouquet pour l’inspirer et lorsqu’il reçoit des coquelicots, il est émerveillé par leur splendeur. Il écrit : « Les magnifiques fleurs écrasent mes tons les plus violents, les vermillons. Les laques noires paraissent de la suie et toutes mes anciennes peintures prennent un air moisi et décoloré. C’est un feu d’artifice avec bombes parfumées. Je suis […] en pleine surexcitation et incapable de faire autre chose que de la peinture. »
Dans Pivoines et pavots, une explosion de teintes rouges se détache d’un fond plutôt terne. La touche sauvage d’Ensor donne une apparence fragile et leste aux coquelicots dans deux vases en porcelaine, dont l’un est orné d’un motif de héron.
Ensor prend à cœur la demande de Mariette, à savoir, peindre de jolies choses, également dans les années qui suivent. Ainsi, Fleurs et papillons est un pur exercice de style, avec une vaste palette de couleurs et de nuances. Les papillons qui virevoltent en toute liberté et insouciance dans l’espace aiguise les sens.
Le tableau Roses constitue un sommet. Les couleurs éclaboussent pour ainsi dire la toile. Ensor prend plaisir à ce genre d’exercices subtils qu’il exécute à l’huile, à l’aquarelle, au crayon et au pastel. Le tableau rappelle une litanie poétique que le peintre prononcera trente ans plus tard, lors d’un banquet à l’occasion d’une cérémonie de remise de prix :
Noble Rose entre toutes les Roses, Rose des heures,
Rose des vents, Rose altière des guerriers d’Angleterre,
Rose diamantée, Rose nostalgique des pays ardents,
Rose lunaire, Rose capitale, Rose songeuse des nuits
d’été, Rose des poètes, soyez toujours Rose, Rose, Rose à mes yeux.