11. David De Noter & Willem Linnig
Le tableau que vous voyez, à peu près le plus grand des quelque 150 tableaux de l’exposition, a été restauré spécialement pour l’occasion. La toile représente l’atelier du peintre baroque anversois Frans Snijders tel que son compatriote David de Noter l’imagine deux siècles plus tard. Contemporain de Rubens, Snijders réalisait des natures mortes d’apparat. Comme De Noter. Celui-ci ne se contente pas de placer la nature morte dans un intérieur concret, mais il l’inclut en plus dans un récit.
Ce qui, à première vue, ressemble à une scène réaliste, prend une allure différente avec ces objets exhibés de manière frontale. Une gigantesque accumulation de plantes, de fruits, de tentures et de volailles semble se déverser dans l’atelier comme une cascade. L’embrasure de la fenêtre à gauche fait office de projecteur de scène, éclairant de manière éblouissante le céleri, la dinde et d’autres objets blancs. Tout autour, des livres, de la verrerie et, dans un coin sombre, un buste… Snijders détourne le regard, comme s’il voulait faire une pause et faire un brin de causette avant de poursuivre l’immense travail de reproduction de tout cela sur la toile.
Remarquez aussi les deux chiens enjoués au pied de la table qui deviennent les protagonistes de la toile que Snijders est en train de peindre. Snijders était en effet célèbre pour agrémenter ses natures mortes de chiens, un peu comme Ensor le faisait avec des personnages masqués.
D’autres Anversois ont continué à faire revivre le passé artistique baroque de leur ville. Willem Linnig en est un exemple. Tel père, tel fils, semble-t-il, car Willem Linnig ne porte pas seulement le même prénom que son père, mais tous deux ont affiché une même prédilection pour les XVIe et XVIIe siècles. L’œuvre du père Linnig s’inscrit pleinement dans cette période. Linnig fils peint, dessine et grave en revanche aussi des scènes contemporaines. Mais même dans ce cas - et comme David de Noter - il ne peut cacher son penchant pour les maîtres anciens.
Légumes l’illustre de manière frappante. Willem Linnig fils est surtout connu pour ses peintures de fleurs, mais il peint avec autant de délicatesse une table chargée de choux, d’oignons et de poireaux. Comme des aplats de couleur qui débordent de toute part, ils remplissent toute la toile et rappellent ainsi les tableaux de repas du XVIIe siècle, avec lesquels les hôtes voulaient rassurer leurs convives : les garde-manger de cette maison sont bien remplis, vous ne manquerez de rien !
Après la noce paraît aussi trahir de l’exubérance, bien que le calme semble être revenu. La fête est finie et l’on voit une table en désordre, jonchée de bouteilles vides, de restes de nourriture, d’assiettes, et même une chemise jetée négligemment sur une chaise. Les souris, témoins silencieux de ce qui s’est déroulé, ne manquent pas à l’appel et se régalent des restes. La scène semble chaotique, mais les apparences sont trompeuses. Linnig introduit du calme et de la structure dans une composition parfaitement équilibrée aux lignes et traits horizontaux.