TORNADO - Pascale Marthine Tayou
Tornado est l'exposition monographique de Pascale Marthine Tayou au Mu.ZEE. Celle-ci signe la fin d'une collaboration intense ayant commencé début 2018 par un « prologue » intitulé Ik ben Gentenaar (Je suis Gantois). Pour cette exposition, une œuvre d’art est disposée à intervalles précis – en attendant l'installation finale – dans l'une des installations de la collection de Mu.ZEE. Tayou défie le musée de ne pas jouer la carte de la sécurité, mais de s’associer à son travail dès le premier jour. Mu.ZEE fonctionne en ce sens comme un laboratoire où un certain nombre d'idées peuvent être testées dans l'espace et auxquelles une réaction rapide peut être apportée. Sous le couvert d'introduire le mouvement dans ce qui est fixe, l'artiste vise l'activation de ce qu'il appelle lui-même l'espace « frustré » du musée. Le concept représente non seulement l'espace physique qui sert de lieu d'exposition, mais aussi l'espace mental nécessaire pour faire le lien avec notre société. « Le musée doit s'auto-observer, sortir de lui-même. La société a besoin d'un lieu […] qui s'interroge sans cesse et qui analyse, presque en temps réel, les bouleversements sociaux et les mouvements humains.[1] » Le parcours d'exposition traditionnel est mis de côté et l'accent est mis sur le trajet en lui-même. Le mouvement est important et va à l'encontre des systèmes rouillés des musées.
Le prologue Ik ben Gentenaar comprend cinq « mouvements » proverbiaux adaptés dans l'exposition Tornado et complétés par une explosion d'images, de mots, d'histoires et d'émotions. L’exagération ne lui est pas étrangère. Pascale Marthine Tayou poursuit des découvertes esthétiques où la forme, la couleur et la lumière servent de matières premières pour de nouvelles sculptures, photographies, dessins, installations et peintures. Tornado met en dialogue une sélection limitée d'œuvres d'art existantes de l’œuvre riche de l'artiste principalement avec de nouvelles créations et des installations in situ. Pascale Marthine Tayou (°1966, Nkongsamba, Cameroun) est actif depuis près de trente ans et ce qui l'occupe aujourd'hui n'est pas foncièrement différent de ce qui l'a poussé à l'époque à devenir « créateur » et à parcourir le monde. « Une tornade fait rage dans ma tête ! » L'exposition est comme un tourbillon d'émotions sincères, d'histoires d'hier et d'aujourd'hui, qui nous inspirent à faire les choses autrement demain. Tornado est un portrait des innombrables âmes qui errent à la recherche d'une existence sûre. Elle signifie « être sur la route » en tant que mode de vie et reflète également la peur d'y faire face en tant que société. « C'est le portrait du vent qui soufflait la dernière fois que je suis venu à Ostende. Tout comme les autres éléments de la nature – comme la pluie ou le soleil – le vent est poussé par les saisons et tempère notre ego. La modestie est une vertu, peu importe à quel point nous nous croyons grands, nous serons toujours « plus petits » que la nature.[2] »
Tornado n'évite aucun sujet – migration, (in)égalité des sexes, identité et origine, évolutions au sein de la pensée nationaliste, blessures coloniales et leur place dans la mémoire individuelle et collective, paix, peur et violence, mais surtout l'importance du savoir et la transmission du pouvoir ancien qui est en elle. Tayou n'esquive pas ces thèmes mais ne les politise pas non plus. Il observe, se montre critique et surtout curieux dans sa quête de l'humain universel, de ce qui nous unit tous. L'artiste entremêle histoires oubliées et souvenirs ravivés avec une imagination contemporaine. Il se tient constamment en équilibre sur une frontière entre énergie négative et énergie positive. Rien n'est ce qu'il paraît, et encore moins univoque. Un pavé symbolise la révolte – « sous les pavés, la plage » – mais sert aussi à construire une nouvelle route. La dualité qui réside dans son langage visuel ouvre la conversation. Il remet ainsi en cause notre image stéréotypée de « l'Autre ». « Fixer le passé au présent sur la toile du futur. » Parcourir le passé est utile tant que l'on ne s'en tient pas à de vieilles images clichées. Sous prétexte de vouloir conserver une certaine légèreté dans la réflexion sur les problèmes de société actuels, Tayou fait des déclarations non pas politiques mais plutôt « humaines ». Il ne crée pas pour honorer l’art, mais pour célébrer la vie. « Et après tout, pourquoi ne pas le faire avec un peu d'humour ? »
[1] Sorana Munsya, reflections on A prologue in five Chapters, 2018
[2] Pascale Marthine Tayou, 2018